Chargée de mission émissions, négociations climatiques & évaluation des politiques à la DGEC
Ex-coordinator of the Global Observatory of Climate Action, Climate Chance
Responsable France de l'ONG 350.org
Le principe de l’Accord de Paris, adopté en 2015 à la COP21, repose sur un cadre mondial visant à lutter contre le changement climatique en fixant des objectifs communs mais différenciés selon les capacités et responsabilités de chaque pays. L’objectif central est de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2°C, en poursuivant les efforts pour ne pas dépasser 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle. L’Accord prévoit également de renforcer la capacité d’adaptation des sociétés, de soutenir les pays les plus vulnérables, et d’aligner les flux financiers sur des trajectoires bas carbone.
Son originalité repose sur un mécanisme de l’ambition, aussi appelé "ratchet mechanism", qui fonctionne sur un principe de progression continue : chaque pays doit élaborer et soumettre une Contribution Déterminée au niveau National (NDC), c’est-à-dire un plan d’action climatique national fixant ses objectifs de réduction d’émissions. Ces contributions ne sont pas imposées par le haut, mais relèvent d’un engagement volontaire — ce qui reflète un compromis politique entre ambition commune et souveraineté nationale.
Pour éviter que les pays ne se contentent de promesses minimales, l’Accord de Paris prévoit que les NDC soient mises à jour tous les cinq ans, et qu’à chaque cycle, elles soient plus ambitieuses que les précédentes. Ce processus est soutenu par un bilan mondial ("Global Stocktake"), qui évalue collectivement les progrès réalisés vers les objectifs de l’Accord. Ce mécanisme de révision et de montée en ambition repose sur la transparence, la pression diplomatique, et la mobilisation de la société civile pour pousser les États à rehausser continuellement leurs engagements.
Pourtant, dix ans après la signature de l’accord, l’enjeu de l’atténuation reste largement insuffisamment traité à l’échelle mondiale. En 2025, une étape clé se profile avec la remise des nouvelles contributions déterminées au niveau national (NDCs), qui devront refléter un rehaussement massif de l’ambition climatique des États.
Ces NDCs devront non seulement être alignées avec la trajectoire 1.5°C, mais aussi démontrer comment chaque pays entend atteindre la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle.
Pourtant, dans le débat public et diplomatique, un certain malaise persiste : on parle encore de l’objectif 1.5°C comme s’il était à portée de main, alors que les dernières données indiquent que ce seuil a déjà été temporairement franchi sur une année, et que nous nous en approchons dangereusement de manière structurelle. Sauver l’Accord de Paris : mission impossible ?
Dans le cadre des négociations climatiques, l’Union européenne poursuit un objectif collectif en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à travers une Contribution Déterminée au niveau National (CDN) commune. Cette CDN doit impérativement couvrir l’ensemble des gaz à effet de serre et tous les secteurs émetteurs (énergie, transport, agriculture, etc.), et s’exprimer en valeur absolue, c’est-à-dire en tonnes équivalentes de CO₂, afin d’éviter toute ambiguïté ou possibilité d’interprétation trop souple.
Pour assurer la transparence et la comparabilité entre les engagements des différents pays, des tableaux standardisés doivent être remplis. Par ailleurs, certains territoires dits "Pays et Territoires d’Outre-Mer" (PTOM), comme la Polynésie française, soumettent leur propre CDN, en coordination avec les États dont ils dépendent (comme la France), ce qui ajoute une complexité supplémentaire à la coordination.
Du côté de l’Union européenne, le calendrier politique rend les discussions plus difficiles : les élections européennes à venir et une présidence du Conseil de l’UE peu favorable à l’ouverture de négociations climatiques ambitieuses freinent les avancées sur les sujets liés au climat, notamment sur les arbitrages à faire dans la révision des CDN.
Lors d’un point de situation sur l’avancement des nouvelles Contributions Déterminées au niveau National (CDN), il a été souligné que seuls 18 pays avaient remis leur CDN dans les délais initiaux.
Toutefois, le Secrétaire exécutif de la CCNUCC, Simon Stiell, a précisé que les États avaient en réalité jusqu’à septembre pour soumettre leurs contributions, ce qui était en quelque sorte attendu du côté onusien, tant les retards sont fréquents dans ces processus.
Selon Fanny, il est d’ailleurs jugé préférable que les pays prennent le temps nécessaire pour produire des engagements solides, plutôt que de se précipiter avec des objectifs bâclés qui les enfermeraient pour cinq ans. Le climat ne se négocie d’ailleurs pas uniquement dans les COP : de nombreuses discussions parallèles ont lieu dans des enceintes stratégiques comme le G7, le G20, le dialogue de Petersberg ou encore au sein de coalitions spécifiques. Les grandes puissances, comme les États-Unis, le Japon ou la Chine, y avancent souvent leurs priorités et testent leurs positions. L’attention se tourne désormais vers les contributions attendues de pays majeurs comme la Chine, l’Inde ou l’Afrique du Sud, dont les chiffres, une fois publiés, seront déterminants pour orienter les prochaines étapes diplomatiques.
Au-delà des négociations internationales officielles, on observe un engagement croissant des acteurs locaux et non-étatiques dans la lutte contre le changement climatique. Pour beaucoup d’entre eux, les cycles diplomatiques des COP paraissent lents ou déconnectés de la réalité de terrain, et ils poursuivent leurs actions indépendamment du calendrier des négociations onusiennes. Il est aussi important de rappeler que les CDN inscrites sur le papier ne reflètent pas toujours la réalité des engagements effectifs, d’où la nécessité d’observer de près la mise en œuvre concrète.
Par exemple, durant la présidence de Donald Trump – alors que les États-Unis s’étaient retirés de l’Accord de Paris – de nombreuses villes et États fédérés américains ont renforcé leurs engagements climatiques, se coordonnant pour maintenir le cap de l’ambition climatique. Ces acteurs non-étatiques jouent donc un rôle déterminant dans la trajectoire des CDN, notamment à l’échelle urbaine. Dans ce contexte, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) s’est vu confier la mission de suivre les évolutions des plans climatiques nationaux, notamment pour produire des bilans mondiaux cohérents avec les objectifs de transition énergétique.